La main

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On m’a coupé la main, on m’a privé de ma capacité à écrire. Je ne peux plus m’exprimer en toute liberté. Je n’ai plus le choix, je dois me taire. Et pourquoi ? Parce que je n’y arrive plus.

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Mes doigts, mon poignet, ma main ne me répondent plus. Même en forçant la tenue du stylo, rien ne vient, je ne sais plus écrire. J’ai perdu mon plus bel outil, ma plus belle capacité. Je pense même que c’est la seule capacité que j’aie. Et on m’en prive. Ma main droite ne me répond plus et je suis droitière bien sûr. Comment peut-on me faire ça?

Je déteste cette situation. Ma tête déborde, elle est pleine à craquer et je n’ai présentement aucun moyen de la vider. J’en suis profondément triste et déçue. Je me demande bien comment je vais pouvoir faire. Peut-être vais-je exploser ? Ou au contraire, je vais me terrer dans un coin, me renfermer sur moi-même et plus rien de bon ne va se produire.

Je dois écrire, pas parler ni dessiner, je dois écrire. Je ne sais pas si c’est tout à fait compréhensible mais c’est mon moyen à moi de m’exprimer. Je ne sais pas bien parler, face aux gens ou seule devant le miroir, peu importe, je vais bafouiller ou zozoter et ma tirade ne sera pas totalement compréhensible.

Les expressions orales, depuis l’école, ça n’a jamais été pour moi. Je connais mon texte par cœur, aucun souci, mais c’est l’exprimer à voix haute qui pose problème. C’est parler, tout simplement, qui pose problème. Je n’y arrive pas, je me dépêche à dire mes phrases, je transpire, je bafouille et chope sur les mots qui deviennent alors incompréhensibles. Je les répète, c’est encore pire car je me sens bête. Je me sens démunie, sans aucun espoir.

Soudain, ma bouche est plus sèche que le sable du désert. Ou inversement, elle peut être aussi humide qu’une bonne averse. Et là, vous avez les postillons en cadeau. Il sera alors temps de vous munir d’un parapluie; je vous avais bien dit de sortir couvert !

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Je sais parler, je n’ai aucune difficulté physique ou mentale. Mais, c’est m’exprimer qui pose problème. Je ne me laisse pas le temps de dire ce que je voudrais dire, je me presse et rien de correct ne sort de ma bouche. Au lieu de me détendre avant de débuter ma tirade et de bien peser mes mots, préparer mes phrases, je me stresse.

Je me mets tellement la pression que je ne sais plus parler correctement. Et le niveau de tension, de pression qui s’installe dépend de l’interlocuteur ou des interlocuteurs que j’ai face à moi. Peu importe le nombre, un, trois ou une salle complète; tout dépend du rang qu’ils occupent par rapport à moi, tant au niveau social qu’au niveau professionnel. Cela dépend aussi de l’âge qu’ils ont. Je vais être bien plus à l’aise avec un gamin de 6 ans qu’avec un adulte de 56 ans. Je ne sais pas pourquoi, ne me le demandez pas.

Vous l’aurez compris, je ne déborde pas de joie quant à l’idée de m’exprimer oralement. Je préfère me munir d’un stylo et d’un cahier et d’y déverser tout ce qui me passe par la tête. Autant vous dire que lors de certaines journées, les pages se complètent vite.

Pourtant, me voilà sans la main droite, je sais bien que ça ne va pas durer. La situation d’inconfort n’est que provisoire. Mais c’est déjà trop long pour moi. Mes pensées se bousculent, j’ai essayé de les écrire via mon ordinateur mais ce n’est pas la même chose. Mon PC est là pour que je puisse gérer mon site web et pour la remise au propre de mes textes et idées de romans. Je l’utilise énormément.

Seulement, pour le premier jet, les idées crues, sauvages et encore indomptées, j’ai besoin de papier. C’est ainsi que je m’exprime le mieux. Et le texte que vous lisez maintenant est donc le deuxième jet de mes idées domptées et clarifiées. Je suis en train de vous concocter le prochain texte ainsi que le prochain roman.

Je crois que la semaine prochaine, ma main et mes doigts seront guéris ou du moins un peu mieux. Et pour mon plus grand plaisir, le bulletin météo nous annonce de la pluie. Je m’installerai donc sous le porche de l’entrée avec un plaid, un café ou un thé, mon cahier et mon stylo. Les idées germeront alors.

Catégories : Réflexions. Étiquettes : écrire, exprimer, liberté, main, et privé.