Le rideau
J’ai décroché le rideau de ma fenêtre. J’ai attrapé mon escabeau à 3 marches et j’ai commencé à enlever le rideau de la fenêtre qui donne sur l’arrière de la maison, c’est-à-dire le jardin. J’ai commencé à le retirer, sans peine, sans regrets…
Arrivée à moitié, j’ai vu à quel point le monde que je voyais s’éclaircissait. J’ai déplacé le tabouret et j’ai continué parce que ça me plaisait. J’ai continué et terminé d’enlever ce rideau. Je l’ai roulé en boule et je l’ai mis sous plastique, en l’étiquetant bien pour savoir le retrouver au cas où. Une fois cela fait, je me suis demandé pourquoi je l’avais fait car il va quand même finir dans le grenier, oublié. Car je ne le remettrai jamais. Je n’en vois pas l’intérêt.
J’ai retiré le voile qui obstruait ma vision du monde. J’ai regardé par la fenêtre et j’ai vu le jardin, comme jamais auparavant. Je l’ai découvert, sans voile, sans brise-vue, sans accroc, sans aucune gêne. Ce voile me freinait, gênait ma vue et ma persuasion des choses. Je l’ai retiré et j’ai bien fait. J’ai décidé de l’enlever car je veux voir le monde comme je l’entends et non pas comme je devrais le voir.
Ce rideau était apposé, bien avant mon arrivée, sans que je n’ai rien demandé, il m’a été imposé. Je n’ai pas eu mon mot à dire sur son existence, ni sur son emplacement. J’ai donc retiré le rideau de ma fenêtre, celui qui obstruait ma vue, depuis le début, celui par lequel je regardais le monde. Celui qui m’empêchait de voir le monde, tel qu’il est réellement.
Ce voile qui encombrait ma vue me semble si inutile aujourd’hui ! Je l’ai toujours vu devant cette fenêtre, suspendu à ses crochets, depuis le début. Je ne sais pourquoi mais un jour, je l’ai retiré. Je l’ai retiré de rage ? Par envie ? Suite à une prise de conscience ? Je ne le saurai jamais vraiment. Et maintenant qu’il n’est plus là, j’ai l’impression de me reconnecter avec le monde. Lorsque je jette un coup d’œil par la fenêtre, je redécouvre tout, mon jardin, le ciel et ses changements de couleur, le soleil et ses envies belges de se montrer ou non. Je redécouvre tout !
J’avais l’impression d’être coupée du monde extérieur. J’étais chez moi, cloîtrée, sans profiter pleinement de tout. Sans profiter des extérieurs et du monde qui m’entoure. Je n’ai jamais vu aussi clair que sans ce rideau. Il représente le voile posé devant mes yeux, à travers lequel je regarde le monde depuis ma naissance. J’ai été conseillée, jugée, entraînée tout au long de ma vie. Des mauvais conseils, j’en ai reçu ! Et le plus souvent, ils venaient des personnes qui me sont les plus proches. Ma façon de voir le monde a donc été formatée, contrôlée, façonnée.
Je n’ai jamais regardé le monde à travers mes propres yeux, de la manière dont je le voulais moi. Une fois ce rideau retiré, cette décision prise, je regarde vraiment la vie en face. Je vois la nature, les alentours, les personnes, tels qu’ils sont et non pas comme ils devraient être.
Ce voile, ce rideau, appelez-le comme vous le voulez mais il nous a été apposé et ce, dès la naissance. Nous avons été formatés par nos parents d’abord, ensuite par notre famille, nos amis, les collègues, les connaissances, même les inconnus croisés au hasard. Le monde, son actualité, les journalistes qui la racontent influencent également notre vision des choses. Nous ne regardons pas le monde réellement, jusqu’à s’en rendre compte. il nous faut un évènement déclencheur pour regarder le monde et le découvrir tel qu’il est réellement. Cela peut se produire tôt ou tard dans une vie, selon la chance que l’on a.
Personnellement, je considère que cela s’est produit tôt car j’ai encore le temps de me demander si je continue comme avant ou si je change complètement ma vision des choses. Évidemment, je choisis la deuxième option, cela me ressemble plus.
De ce fait, je ne prêterai plus attention aux jugements des autres sur les événements, à leur avis, à leurs commentaires et à leurs critiques infondées. Je me forgerai ma propre opinion sur ce que je vois car je vois enfin les éléments tels qu’ils sont et non pas comme on m’a dit de les percevoir. Ma vision des choses a donc changé parce que j’ai décroché le rideau de ma fenêtre. Quand allez-vous enlever le vôtre ?